septembre, 2020
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Pourquoi continuer à venir sur son lieu de travail ?
Pourquoi continuer à venir sur son lieu de travail ? Cette période post confinement est une expérience nouvelle pour nous tous et certains ne la vivent pas sereinement. Le port du masque devient pour une partie d’entre nous une rupture supplémentaire, un éloignement de la vie commune et partagée.
Une partie des personnes agées ou malades, bien entendu, pour qui le confinement, le port du masque, la peur du virus sont autant de sources d’enfermement dans un silence et une solitude plus intenses. Avec eux l’homme ou la femme que l’autre vient de quitter, emmenant ses enfants. Celui ou celle, victime du décés brutal de son partenaire. L’étudiant isolé, loin de ses proches ou sans famille, déjà naturellement timide qui va s’enfermer derrière un masque tout à la fois commode et douloureux.
Mais nous aurions tort de penser qu’il n’y a que cette frange de la population qui souffre de cette pandémie.
Il existe de nombreuses personnes vivants seules pour qui le masque et la Covid ont diminués voir anihilés complétement les rares signes de reconnaisances qu’ils recevaient : une main sur l’épaule, un sourire, une caresse, une poignée de main, un éclat de rire, une bise.
Ces personnes, qui aujourd’hui vont travailler, risquent d’être encore plus isolées par le télétravail alors même que le lieu du travail est pour eux le lieu premier, voir unique, où ils échangent des signes de reconnaissance. Ces personnes, au premier abord, sont des gens comme vous et moi et vous en cotoyez surement sans le savoir. En 2016, presque 20% de la population française vivait seule. En 2017, 43% des parisiens étaient célibataires.
De nombreux articles présentent le télétravail comme le nouveau Graal des entreprises post-covid dès 2021.
Certes, le télétravail est, pour nombre d’entre nous, facteur de gain de qualité de vie et de bien-être. Mais il va poser de multiples questions d’ordre psychologique. Si les entreprises ne prennent pas en compte cette dimension personnelle, humaine, il est à parier que cela va rejaillir sur les résultats de leur activité à moyen ou à long terme.
Comment gérer ce cadre qui va travailler tous les soirs jusqu’à vingt-deux heures pour partir en week-end dès le jeudi soir et profiter de son vendredi de télétravail comme d’un troisième jour de week-end? Combien de temps va-t-il tenir avant de tomber malade ? Et s’il remplit ses objectifs en quatre jours, ne serait-il pas tentant de lui donner un peu plus de travail?
Comment manager une équipe de 70 salariés et les interractions avec les autres services et directions de l’entreprise pour permettre de répondre aux attentes de l’ensemble des acteurs ?
Comment gérer ce salarié qui confond les besoins de l’entreprise avec ses propres désirs et qui veut absolument être en télétravail le mardi et le jeudi pour économiser le coût de la garde de ses enfants ces jours là ? Ou le lundi et la mardi parce que sa femme est en télétravail du mercredi au vendredi ?
Comment gérer la frustration de ceux qui ne pourront pas télétravailler parce que leur travail ne le leur permet pas ou que leur logement n’est pas suffisamment grand pour y installer un bureau, parce que le conjoint s’y est déjà installé en télétravail, parce que leur enfant handicapé est présent à la maison ?
Comment manager le tout jeune nouveau salarié d’Ile-de-France en télétravail dans son petit studio qui lit ses mails assis en tailleur sur son lit avec une source de lumière insuffisante ?
Que va-t-il advenir du manager qui ne voyait son travail que comme celui qui « surveille ses équipes pour qu’elles bossent » ? Les n-3 ou n-4 vont-ils continuer à être utile à l’entreprise ?
Mille questions vont se poser et, en tout premier lieu, celle de la transformation du management. Il va falloir intégrer les notions de confiance et d’autonomie et s’assurer que le travail a du sens pour l’ensemble des salariés. Outre une réelle remise à plat de la notion de management, les entreprises vont devoir, en parallèle du télétravail, mettre en place des espaces de travail qui améliorent l’efficience des salariés.
Si les salariés, télétravaillant chez eux deux jours par semaine, donnent d’excellents résultats, pourquoi ne pas les laisser en télétravail quatre jours, ou cinq ? Et sinon, que vont-ils bien pouvoir venir faire au bureau les trois jours restants ?
Si c’est juste pour les contacts humains, la pause à la cafeteria, au prix du m2, les entreprises ont intérêt à louer tous les matins l’arrière salle du restaurant du coin avec petit déjeuner offert pour les salariés. Ce sera beaucoup plus rentable. Pas besoin de louer des espaces de coworking.
Est-il possible que les salariés soient plus efficaces s’ils passent du temps ensemble ? Vive zoom, skype et autres systèmes de visioconférence ! On se parle, on se voit. c’est bon ! Quel gain de temps que toutes ces heures où l’on n’est plus coincé dans les transports.
En attendant l’espace de bureau intelligent et virtuel que nous promettent la 5G et l’avancée des technologies, nous allons devoir occuper encore quelques temps des espaces de travail.
Mais alors quels espaces et pour y faire quoi ? Pourquoi revenir au bureau ?
Des espaces qui permettent à notre cerveau d’être en mode adaptatif.
Le risque de ne plus confronter sa pensée à celle des autres est de rester dans un mode de pensée automatique dans lequel sont bannis la curiosité, la souplesse, la nuance, la relativité ou encore l’opinion personnelle. Le risque alors est d’avancer avec comme seuls outils la routine, la simplification, les certitudes, l’empirisme ou encore la peur de l’image sociale.
Partager un même espace avec d’autres oblige notre cerveau à s’adapter. Nous voyons bien qu’au sein du groupe l’un reste un peu en retrait, n’osant pas, de prime abord, exprimer son avis alors que l’autre se met à discuter facilement avec l’ensemble des personnes présentes.
Parce que nous ne gouvernons pas tous notre cerveau de la même façon, être ensemble dans un même espace que nous devons partager nous force à nous adapter et donc nous rend plus capable d’innovation et de création.
Des espaces qui permettent d’être intelligents à plusieurs.
Pour cela, il faut s’en remettre aux neurosciences et à quarante ans de recherche sur ces domaines d’efficiences que sont, par exemple, les formes et les couleurs. On sait aujourd’hui qu’un salarié est plus créatif dans un environnement bleu ou que le blanc est la pire des couleurs pour se motiver. On sait que les membres d’un comité de direction ne se comportent pas de la même façon autour d’une table rectangulaire qu’autour d’une table ronde.
Il va falloir repenser ces espaces communs pour les rendre les plus efficients possible.
Des espaces où la communication est favorisée.
93% de la communication est non verbale ou paraverbale. Le télétravail ou la visioconférence font disparaitre une grande partie de ces 93%. Que vous reste t’il de votre dernière visioconférence ? Avez-vous vraiment compris ce que les autres souhaitaient ? ressentaient ? Approuvaient ? Quelles étaient leurs peurs, leurs motivations, leurs réticences, leurs envies ? Etes-vous certains qu’ils étaient tous alignés dans leurs paroles, leurs émotions et leurs pensées ? Avez-vous bien compris toutes les attentes ?
Si tout cela est inutile pour que nos actions soient plus performantes, à quoi bon conserver du lien social ?
Des espaces de transactions.
Des lieux où je peux vivre mon besoin d’échanger des transactions avec les autres, positives ou négatives parce qu’elles sont absolument nécessaires. Pour cela, le lieu doit me permettre de structurer mon temps, que ce soit dans des périodes de retrait, de rituel, de passe-temps ou d’activité.
Ces différents manières d’utiliser son temps, définit par l’analyse transactionnelle, sont essentielles à la productivité de chaque salarié. Selon qu’il peut ou non satisfaire ces besoins inconscients de structuration, le salarié sera ou non efficient. Les espaces, de part leurs constructions, doivent permettre de satisfaire cette demande. N’oublions pas que de nombreux salariés ne se nourrissent de ces transactions qu’au bureau. Les espaces à venir vont-ils me permettrent, par exemple, de travailler efficacement en groupe, d’échanger avec les autres salariés, de prendre soin des autres et de m’isoler quand j’en ai besoin ?
Enfin, l’entreprise d’aujourd’hui se doit d’être socialement exemplaire. Elle ne peut pas laisser une partie de ses salariés en souffrance, travaillant dans un environnement personnel inadéquat et sans la possibilité d’exercer ce lien social primordial pour son équilibre et sa santé juste pour gagner des mètres carrés. Il en va de sa responsabilité.
C’est une révolution car cela force à une individualisation de la réponse à apporter à chaque salarié. Cela demande de glisser de l’égalité à l’équité. Donner à chacun selon ses besoins plutôt que la même chose à tous.
Parions que les futurs employés vont être sensibles demain autant à la qualité de ce lien social que vont proposer les entreprises qu’à leur capacité à leur faire confiance et qu’ils choisiront leur futur patron en conséquence.
Parions aussi que la Covid passera, qu’un jour nous aurons à nouveau plaisir à serrer les mains, à voir le rire de la collègue avec qui on parle ou le sourire du collègue que l’on croise dans un couloir. En 2014, un couple français sur sept s’est formé sur son lieu de travail. Pensons à tous ces futurs employés qui ainsi viendrons peut-être postuler dans nos entreprises dans 20 ans !
Flavien CHOFFEL Dirigeant fondateur de RENAITRE.NET